
Parfois, le parcours professionnel s’annonce linéaire, parfois il prend des détours. C’est de ce chemin atypique dont nous parle Dany Blackburn, auparavant technicien en informatique, devenu enseignant au diplôme d'études professionnelles (DEP) en soutien informatique.
D’entrée de jeu, je dois avouer que mon cheminement est assez particulier, pour être plus précis, je dirais que ma carrière s’est profilée en deux temps. D’abord comme technicien en informatique, ensuite en tant qu’enseignant au DEP en informatique. Il faut savoir que, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attiré par l’informatique. C’était donc tout à fait naturel pour moi de me diriger vers le DEP en soutien informatique, donc au service à la clientèle, puisque j’ai toujours ressenti le besoin d’aider les gens. C’est ainsi qu’à la suite de ma formation professionnelle, j’ai postulé pour un emploi de technicien au centre de services scolaire (CSS) de ma région et j’ai occupé ce poste pendant plus de 17 ans.
Il y a environ deux ans, une offre d’emploi d’enseignant a été affichée au Centre de services scolaire (CSS) dans le secteur de l’informatique, ce qui m’a aussitôt interpelé et intrigué. J’ai alors tenté ma chance et à mon grand bonheur, j’ai été retenu. C’est donc de cette façon que je suis arrivé à l’enseignement. Voilà pourquoi je parlais de carrière en deux temps.
Ma tâche de travail se divise en trois volets. À priori, je suis responsable de quatre cours de niveau débutant. Il faut savoir que le DEP en informatique comprend 24 cours en totalité. Il y a donc 18 h dans ma semaine de travail où « je suis à l’horaire. » Ce qui signifie que je suis physiquement à l’école, mais je dispense des cours en mode virtuel, et parfois en présentiel. L’enseignement à distance est un mode d’enseignement que j’affectionne particulièrement, car cela me permet de faire plusieurs tâches en même temps. Parfois, il m’arrive aussi d’être physiquement en classe avec mes étudiants. Cela me permet d’interagir, de façon différente avec les étudiants qui suivent un parcours individualisé. C’est important de savoir que chaque enseignant préconise un mode d’enseignement qui lui convient le mieux. Comme responsable de cours, je dois m’assurer que l’étudiant est rendu au bon endroit dans sa formation, corriger les travaux et donner des rétroactions à l’étudiant afin qu’il soit prêt pour ses examens.
Le deuxième volet est consacré à l’enseignement des cours desquels je ne suis pas le responsable principal. Cela représente environ un tiers de ma semaine de travail. C’est pour cela que chaque enseignant doit avoir une idée générale de l’ensemble du programme même si chacun d’eux est spécialiste d’une matière. Il m’arrive aussi de prêter main forte aux collègues lorsqu’ils ont des questionnements pointus sur mon champ d’expertise. Pour être en mesure de les aider, je dois maintenir mes connaissances à jour. L’équipe d’enseignants doit toujours travailler en synergie afin que les étudiants obtiennent les réponses à leurs questions et puissent bien comprendre la matière.
Le dernier volet est lié à l’administration, comprenant, entre autres, la correction et la production de documents. Étant donné que j’enseigne un cours qui est sanctionné par le Ministère, il y a beaucoup de procédures à suivre et un bon nombre de documents à remplir.
Habituellement, le baccalauréat en enseignement est obligatoire pour devenir enseignant. De mon côté, j’ai eu un parcours de formation moins linéaire. Comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai tout d’abord été diplômé d’un DEP en informatique. Après avoir passé dix années sur le marché de l’emploi, j’ai décidé de retourner aux études pour réaliser une attestation d’études collégiales (AEC) avec reconnaissance des acquis pour obtenir le diplôme d’études collégiales (DEC) en informatique de gestion de réseaux au cégep de Limoilou. À cette période, mes filles avaient grandi. Elles étaient devenues plus autonomes, donc c’était le bon moment de retourner sur les bancs d’école.
Par la suite, étant donné que j’ai obtenu le poste d’enseignant sans être préalablement diplômé de la formation universitaire exigée, je me suis engagé à obtenir un baccalauréat en enseignement professionnel en alternance avec mon travail. Avec cet engagement, le ministère de l’Éducation a consenti à m’octroyer un permis de travail qui est renouvelable, chaque année, conditionnellement à ce que je poursuive mes études universitaires. Pour obtenir la permanence à mon emploi, je dois absolument compléter ma formation en moins de dix ans.
Ce que je préfère de mon métier est le contact avec l’élève, même si cela peut sembler contradictoire, puisque je préfère enseigner en mode virtuel. Cela dit, il ne faut surtout pas croire que parce que l’enseignement est à distance, il est impossible d’entrer en interaction. Ce qui me stimule particulièrement dans ce mode d’échange, c’est de rendre l’enseignement dynamique et coloré par des jeux ou des mises en situation. J’aime capter mon auditoire par la création d’univers qui les accrochent et qui leur donnent de goût de suivre ma formation. C’est un défi que je trouve très motivant et qui me rend fier lorsque je réussis à intéresser mes étudiants. Un autre élément qui me rend particulièrement fier est d’avoir le sentiment de contribuer à la réussite d’un étudiant. Je me sens aussi privilégié de participer à l’élévation du standard de la formation et de constater que son taux de succès est élevé.
Puisque mon cerveau est constamment en ébullition, j’aime être très occupé. Dans ces moments, je me sens efficace et j’ai l’impression que l’élève chemine rapidement. Cependant, lorsque j’enseigne dans des classes où les étudiants avancent à des rythmes différents, je dois parfois ralentir ma cadence d’enseignement pour accommoder certains d’entre eux. Parfois, c’est au détriment de d’autres qui aimeraient que ça avance plus rapidement. Dans ces moments, je ne me sens pas aussi performant. Dans un monde idéal, j’aimerais arriver à accompagner tous mes élèves aussi efficacement, et ce, peu importe leur vitesse d’apprentissage.
De plus, contrairement à mon travail de technicien, où j’étais maître de ma gestion du temps, il est plus difficile de maintenir un horaire équilibré dans mon emploi d’enseignant. Selon la charge de travail, des besoins de l’étudiant et du moment de la session, le nombre d’heures peut fluctuer d’une semaine à l’autre, et ce, même si nous avons un nombre d’heures hebdomadaires fixes d’allouées au travail. Si je fais référence particulièrement à mon cas, un autre élément occupe mes plages horaires considérablement, soit mon rôle d’étudiant universitaire. C’est parfois difficile de concilier les deux rôles.
De plus, étant donné que je suis un nouvel enseignant, je n’ai pas la priorité dans le choix des horaires. De ce fait, j’ai des charges d’enseignement de jour, mais aussi de soir. Cela a un impact sur ma famille, car je suis moins présent à la maison. Je trouve ce côté un peu plus difficile.
Pour exercer le métier d’enseignant, il faut être particulièrement rigoureux. Il faut assurer un suivi très serré auprès de l’élève afin qu’il puisse être bien orienté dans son parcours. Si l’enseignant n’est pas assez présent, l’élève risque d’être un peu comme un bateau sans gouvernail. Il faut être aussi très organisé, car l’enseignement scolarisant demande de suivre un ensemble de procédures normées afin que le parcours de l’étudiant soit noté et reconnu.
Comme je l’ai mentionné précédemment, il arrive souvent que les heures prescrites de travail soient plus nombreuses. De ce fait, le travail se poursuit parfois à la maison. Dans l’enseignement individualisé nous sommes tous interdépendants. Les cours que j’enseigne font partie d’un cursus, je dois donc être en synergie avec les autres enseignants. Il faut travailler ensemble en étant au même diapason autant sur les directives, la discipline que sur le type d’enseignement dispensé. Même si c’est parfois plus difficile d’avoir la même vision de l’enseignement, les échanges peuvent être très constructifs. À certaines occasions, il faut être plus persuasif et être prêt à négocier, si l’on veut faire adopter son point de vue.
Puisque j’occupe un poste d’enseignant depuis moins de deux ans, il est difficile pour moi d’avoir un certain recul sur la profession. Je suis moi-même en apprentissage. Cependant, mes années de travail comme technicien en informatique au même établissement m’ont permis, d’une certaine façon, de constater que l’éducation individualisée a pris son envol. Grâce aux nouvelles technologies et méthodes d’enseignement, on peut voir que les élèves ont plus d’alternatives pour progresser à leur propre rythme. L’arrivée de l’enseignement inversé et des classes asynchrones a grandement bonifié l’enseignement et, par le fait même, facilité l’assimilation de la matière.
Pour être un bon enseignant, il faut être en mesure de bien communiquer, d’aider l’élève et de gérer son temps efficacement. Il faut aussi avoir une bonne capacité d’adaptation et pouvoir travailler en équipe. À mon avis, pour être un enseignant comblé, il faut absolument avoir l’étincelle : celle de vouloir faire fleurir des élèves. Il faut aussi avoir le désir d’aider, de se sentir utile. Il ne faut surtout pas commettre l’erreur d’exercer cet emploi pour les conditions de travail ou pour avoir un long congé l’été.
Je compare l’enseignant à un sprinter et un technicien à un marathonien. La charge de travail et mentale est répartie sur un plus court laps de temps dans le cas de l’enseignant. Il faut donc être en mesure de performer lorsque le moment l’exige. Il faut être prêt à voir ses journées s’allonger et à faire du travail à la maison. Il faut savoir mettre ses limites, car on est constamment sollicité même en dehors des prestations en classe. Dans le cas du travail de technicien l’exigence du travail est répartie de façon plus égalitaire et à plus longue échéance. Il ne faut pas perdre de vue que le métier d’enseignant est un métier très valorisant, mais aussi exigeant.