Entrevue avec une designer paysagiste

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
8 septembre 2025
De la ligne dessinée à l’espace habité, Marjolaine Moisan-Bouchard façonne des lieux où la nature et les gens cohabitent en harmonie.

De la ligne dessinée à l’espace habité, Marjolaine Moisan-Bouchard façonne des lieux où la nature et les gens cohabitent en harmonie.

Marjolaine Moisan-Bouchard
Signé MMB
Designer paysagiste autonome
Question
Comment en êtes-vous arrivée à choisir votre métier ?
Réponse

J’aime dire que ce n’est pas moi qui ai choisi mon métier, mais qu’il m’a doucement guidée vers lui. Depuis toute petite, le dessin a toujours été mon refuge. Il me permettait de me recentrer, de me retrouver. Ce besoin de créer m’a suivie toute ma vie, comme un fil conducteur.

J’ai commencé en design d’intérieur, pensant que ce serait un bon compromis entre technique et créativité. Mais j’ai rapidement déchanté. Le travail en boutique, la décoration… ça ne me correspondait pas. Je voulais du concret, bâtir, concevoir avec mes mains et ma tête.

J’ai alors exploré plusieurs métiers manuels et techniques : la gravure sur verre, le montage de murs rideaux dans le domaine de l’architecture, puis le travail en atelier pour des objets commémoratifs. Ces expériences m’ont appris la rigueur, le travail de précision, le contact avec la matière. Mais il me manquait encore une dimension créative et humain.

C’est à la suite d’un burnout que tout s’est clarifié. J’ai suivi une formation en dessin assisté par ordinateur et j’ai découvert que je pouvais marier ma logique, mon sens de l’organisation et ma créativité. Ce fut une révélation. J’ai alors dessiné dans des domaines variés : architecture, génie civil, aménagement de bureaux.

J’ai ensuite travaillé pendant près de dix ans dans des firmes d’architecture de paysage. J’y ai trouvé ma place : concevoir des lieux publics, réfléchir à l’usage des espaces, collaborer avec des équipes pluridisciplinaires. C’est là que j’ai réalisé que l’aménagement paysager réunissait tout ce que j’aimais : créer avec du sens, pour les gens, en respectant la nature et le milieu. Après avoir beaucoup appris aux côtés d’architectes paysagistes, je conçois maintenant mes propres projets résidentiels à mon compte.

Question
Qu’est-ce que vous aimez le plus de votre travail ?
Réponse

Ce que j’aime par-dessus tout, c’est de me sentir utile, créative, alignée avec mes valeurs. Je crée des espaces extérieurs qui embellissent la vie des gens. Chaque projet est une rencontre, un défi, une occasion de comprendre un lieu et les personnes qui y vivent.

J'éprouve aussi une profonde satisfaction à voir un projet passer de l’idée à la réalisation. Je me sens valorisée dans mon expertise et j’ai le sentiment de participer à quelque chose de durable et significatif. Quand je me promène dans certains quartiers et que je reconnais un aménagement auquel j’ai contribué, je me dis : « Ça, c’est un peu de moi qui vit ici! »

Question
Quelles sont les tâches principales dans votre métier ?
Réponse

Mon travail commence bien avant de dessiner quoi que ce soit. Il y a d’abord une prise de contact avec le client, où je prends le temps d’écouter, de comprendre ses besoins, ses rêves, ses contraintes. Cette relation humaine est essentielle.

Ensuite viennent les relevés de terrain, parfois très exigeants physiquement. Je recueille toutes les données : topographie, exposition, règlements municipaux, contraintes environnementales. Je fais beaucoup de recherche, j’analyse, je planifie. Puis arrive la conception proprement dite, réalisée avec des logiciels spécialisés. Je crée des ambiances, je pense aux matériaux, à l’entretien, à l’harmonie globale.

Enfin, je peux accompagner le client dans la mise en œuvre, en lien avec un réseau d’entrepreneurs de confiance. Tout le processus demande rigueur, écoute, créativité et adaptabilité.

Question
Qu’est-ce que vous aimez le moins ou trouvez le plus difficile ?
Réponse

Le volet administratif est sans doute ce qui me pèse le plus. Gérer la paperasse, établir les soumissions, faire la facturation… ce n’est pas ma zone naturelle et ça me demande beaucoup d’énergie. J’ai dû me faire accompagner pour y arriver, car seule, je m’y perdais.

Un autre défi est de fixer ma valeur. Mettre un prix sur une création, sur une expertise, ce n’est pas évident, surtout quand chaque terrain est unique. Heureusement, des ressources comme l’Association des concepteurs de jardins du Québec m’ont beaucoup aidée.

Être travailleuse autonome, c’est aussi composer l’insécurité financière, l’absence de coussin et l’irrégularité des revenus. Cela implique beaucoup de responsabilités et une charge mentale constante.

Question
Qu’est-ce qui est méconnu de votre métier ?
Réponse

Beaucoup de gens pensent que mon métier se limite à dessiner de jolies plates-bandes. En réalité, c’est un métier très technique. On parle de drainage, de nivellement, de normes environnementales et municipales, de gestion de l’eau, de respect de la topographie. Ce métier exige aussi une solide capacité d’analyse, une grande écoute et beaucoup de diplomatie — notamment dans des contextes de voisinage ou de conflits d’usage.

C’est aussi un domaine en constante évolution, puisqu'on parle maintenant de pavés perméables, d'asphaltes poreux, de matériaux écoresponsables, d'aménagements adaptés aux changements climatiques… Il faut donc se former en continu pour rester à jour.

Question
Quelles conditions de travail exige ce métier ?
Réponse

C’est un métier qui demande une grande capacité d’adaptation, surtout à cause de son rythme saisonnier. Pendant la belle saison, je gère plusieurs projets en parallèle — parfois jusqu’à une dizaine — chacun à une étape différente. Cela exige une excellente organisation pour jongler entre les rencontres clients, les relevés de terrain, la conception, les suivis de chantier et la coordination avec les entrepreneurs.

J'utilise des outils numériques pour structurer mon travail : planification, suivi de projet, facturation… tout est bien cadré pour éviter la surcharge mentale. Le stress peut être présent, surtout quand les échéances se chevauchent ou que la météo perturbe le calendrier.

L’hiver, l’activité ralentit, même si la conception se fait souvent en saison froide. Je profite alors de cette période pour me consacrer à la formation. Je donne notamment des cours d’Autocad pour le campus du végétal et du paysage VertFuté et pour certaines entreprises du milieu. Cela me permet de diversifier mes revenus tout en restant active intellectuellement. C’est aussi une façon d’assurer une certaine stabilité financière malgré les fluctuations du métier.

Être travailleuse autonome dans ce domaine demande de la rigueur, de l’autonomie et une bonne capacité à structurer son emploi du temps. Mais c’est aussi ce que j'aime : la liberté de choisir mes projets, d’organiser mes journées et de travailler à mon rythme.

Question
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut faire ce métier ?
Réponse

D’abord, bien s’entourer. Parler à des gens du milieu, aller sur le terrain, explorer les différents aspects du métier. Travailler dans une jardinerie, un centre de matériaux, faire des stages. Il existe des formations professionnelles et des plateformes comme HortiCompétences qui offrent plein de ressources.

Il faut aussi savoir pourquoi on veut faire ce métier : quelles valeurs nous animent, quelle ambiance de travail on recherche. C’est un métier qui demande de l’écoute, de la rigueur, de la curiosité et une grande autonomie.

Et surtout, il ne faut pas craindre d’être différent, d’avoir un parcours en zigzag. Moi, c’est cette diversité d’expériences qui m’a menée là où je suis aujourd’hui, et je ne le regrette pas une seconde!

 

*** Des outils d'intelligence artificielle (IA), dans un environnement contrôlé et sécurisé, ont été utilisés pour soutenir la rédaction de ce contenu qui a toutefois été soigneusement retravaillé et vérifié par l'Équipe Repères. ***