Entrevue avec une agente d'approvisionnement

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
13 octobre 2020
Entrevue avec une agente d'approvisionnement

Au cours des derniers mois, la gestion de l'approvisionnement de tout l'équipement médical utilisé dans la lutte contre la COVID-19 a été d'une importance capitale afin de combattre le virus. Dans le but d'en apprendre un peu plus sur ce domaine de travail, nous avons eu le plaisir de rencontrer Gina Mac Aulay, agente d'approvisionnement au CHU de Québec. Elle nous parle de sa profession, souvent méconnue des gens.

Gina Mac Aulay
CHU de Québec
Agente d’approvisionnement
Question
Comment avez-vous choisi votre profession et quel a été votre parcours? 
Réponse

J’ai travaillé pendant de nombreuses années en restauration où j’ai occupé plusieurs postes. À l’époque, je rêvais de devenir inspectrice au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) afin de veiller au respect des bonnes pratiques dans les établissements alimentaires. J’ai fait des études en sciences et technologie des aliments mais une fois ma formation terminée, j’ai dû faire face à la réalité du marché du travail qui offrait des possibilités très limitées pour ce type d’emploi. Je me suis alors tournée vers des études en administration, sans savoir exactement où cela allait me mener. Un de mes professeurs, que je trouvais vraiment intéressant, a eu un impact majeur sur la suite de mon parcours. J’ai tellement aimé son style d’enseignement et le contenu de son cours sur la gestion des stocks que j’ai orienté tout le reste de mon baccalauréat en gestion des systèmes opérationnels. Une fois diplômée, j’ai travaillé comme acheteuse chez Groupe Polyalto et Biscuits Leclerc avant de devenir agente d’approvisionnement à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), au CIUSSS de la Capitale-Nationale et maintenant au CHU de Québec.  

Question
À quoi ressemble le travail d’une agente d’approvisionnement? 
Réponse

Je travaille au niveau de l’achat d’équipements médicaux, ce qui inclut les respirateurs utilisés auprès des patients qui ont contracté la COVID-19. Je gère en fait l’acquisition de divers types d’appareils comme des échographes, des robots de pharmacie, des systèmes de laboratoire, des moniteurs de signes vitaux, des incubateurs, etc. Dans le réseau de la santé, nous procédons en général par appels d’offres pour faire ces achats. J’ai donc régulièrement des réunions avec des professionnels tels que des médecins, des infirmières, des inhalothérapeutes, des technologues et des ingénieurs biomédicaux afin de déterminer les besoins en matière d’équipement et d’élaborer les documents requis.  

Je peux faire face à diverses situations au quotidien comme m’assurer qu’un fournisseur respecte son contrat, trouver une solution lorsqu’un équipement est défectueux ou encore veiller à ce que les professionnels qui utilisent du nouveau matériel reçoivent la formation requise. Puisqu’un équipement est souvent produit sur mesure pour nos besoins, un dossier d’acquisition peut s’étendre sur quelques mois et je suis appelée à en gérer plusieurs simultanément. À tout moment, il y a des imprévus ou des situations d’urgence qui me forcent à réagir rapidement. Lors d’un bris d’équipement, par exemple, j’ai beaucoup de contacts avec les représentants des entreprises avec lesquelles nous faisons affaire pour trouver des solutions.  

Question
Qu’est-ce que vous aimez le plus et le moins dans votre travail?
Réponse

Nous travaillons continuellement en équipe et j’adore la relation que j’ai avec les professionnels de la santé. Je n’hésite pas à les rencontrer pour qu’ils m’expliquent l’utilisation qu’ils feront de l’équipement à acheter. J’ai même assisté à une chirurgie cardiaque et vu une laparoscopie! Présentement, je travaille sur l’acquisition d’un cyclotron, un appareil employé pour fabriquer des isotopes qui sont utilisés pour les examens d’imagerie par résonnance magnétique, ce qui m’a amenée jusqu’en Italie et en Belgique. Je n’avais aucune idée de ce que c’était au départ alors que maintenant je suis en mesure d’expliquer en quoi ça consiste. Il n’y a pas un projet où je n’apprends pas de nouvelles choses et les défis que je vis au quotidien sont stimulants. 

Lorsque je travaillais dans des entreprises privées, je négociais l’achat avec le fournisseur, je gérais l’inventaire et je m’occupais du transport. Dans le secteur public, c’est plus segmenté. C’est plutôt l’équipe de la logistique qui coordonne le transport de l'équipement et qui s’occupe de l’entreposage. Tout est régi par des procédures officielles et j’ai parfois l’impression de manquer de liberté d’action car j’ai beaucoup de contraintes à respecter au niveau de la législation. Cependant, rien n’est plus valorisant que de faire partie de cette organisation et d’apporter ma contribution dans un système qui permet de sauver la vie des gens.   

Question
Quels sont les aspects méconnus de votre profession? 
Réponse

Les gens pensent que je magasine sur Internet, que j’achète sur Amazon ou dans un catalogue alors que nous sommes bien loin de cette réalité. Dans le réseau de la santé, l’équipe d’approvisionnement la plus connue du grand public est celle qui s’occupe des fournitures consommables (ex. : seringues, masques, jaquettes). Je travaille étroitement avec eux car chaque achat d’appareil médical nécessite également d’avoir en inventaire tout ce qui doit permettre de l’utiliser, par exemple, des filtres. Cependant, le secteur des approvisionnements est beaucoup plus large que cela. Il y a des agents qui travaillent au niveau des services techniques et qui gèrent, entre autres, les contrats de déneigement et de peinture en plus de l’achat de mobilier comme les tables et les chaises. D’autres font partie de l’équipe informatique et font l’acquisition des ordinateurs et de l’équipement électronique tandis que certains gèrent les commandes de nourriture pour les cuisines.

Question
Qu’est-ce que vous diriez à une personne qui désire faire ce choix de carrière? 
Réponse

Une personne doit savoir au départ si elle aime gérer l’approvisionnement en tant que tel. Ensuite, elle pourra déterminer plus spécifiquement vers quoi elle veut se diriger. Il est possible que quelqu’un n’aime pas du tout le secteur des équipements médicaux mais qu’il soit intéressé par l’achat des appareils informatiques de l’hôpital. Il est également essentiel d’être un bon communicateur, de ne pas avoir peur des défis et d’être capable de gérer des urgences. Si la personne sait prendre sa place, ce sera un grand atout pour elle, car on est souvent appelé à défendre notre point de vue auprès des professionnels avec qui l’on travaille. De plus, il faut s’investir dans l’apprentissage de l’anglais étant donné que la plupart des fournisseurs sont situés aux États-Unis. Finalement, un bon moyen d’avoir une idée de la chaîne d’approvisionnement et de la logistique serait d’avoir un emploi d’été dans un magasin d’hôpital. 

Entrevue réalisée par Pascale-Andrée Boivin